Ébauche
Je te dessine au fusain
Des yeux charbonneux
Pour la douleur et la beauté
Tu refuses de me les ouvrir
Tu refuses
Tant que je n’ai pas adouci mon trait
Frotté le graphite sous la pulpe de mes doigts
Mes doigts sont noirs, maintenant
Comme si j’avais gardé
Sous mon toucher
Le cadavre de tes larmes
J’aurais dû te dessiner au buvard
Te gorger d’encre et de couleur
Te liquéfier de bonheur
J’ai noirci la page de toi
Sans réussir à croquer
Les contours de ta mélancolie
Tu n’es plus là
Je garde ton souvenir
Sur ma rétine
Et sans cesse
Sans cesse
Je te dessine au fusain
Des yeux de mascara
Que tu n’ouvriras pas
Chiquer le charbon
Je le broie dans le secret
Dans le secret de mon sourire
Il crisse sous mes canines
Et étouffe ma langue
Je le cache sous mes paupières
Pour être seule à le voir
Pâle dans l’agitation du jour
Mais brûlant chaque soir
Je le crache sur la page
Quand je parcours les angles morts
Je le noie dans la blancheur
Qui voudrait tout contenir
Je broie le noir
Le charbon de l’existence
La douleur qui crie sans bruit
Je la cache je la crache
Dans la calligraphie
De mes sourires polis
Dans mes paumes griffées
Mes pupilles asséchées
Poèmes carbonisés