Ebauche et chiquer le charbon

Ébauche 

Je te dessine au fusain
Des yeux charbonneux
Pour la douleur et la beauté 

Tu refuses de me les ouvrir

              Tu refuses
Tant que je n’ai pas adouci mon trait
Frotté le graphite sous la pulpe de mes doigts

Mes doigts sont noirs, maintenant
              Comme si j’avais gardé
Sous mon toucher
Le cadavre de tes larmes 

J’aurais dû te dessiner au buvard
Te gorger d’encre et de couleur
Te liquéfier de bonheur

J’ai noirci la page de toi
Sans réussir à croquer
Les contours de ta mélancolie

              Tu n’es plus là

Je garde ton souvenir
              Sur ma rétine
              Et sans cesse
                            Sans cesse
Je te dessine au fusain
Des yeux de mascara
              Que tu n’ouvriras pas

 

Anne Feuillère @totempspoems

Chiquer le charbon

Je le broie dans le secret
              Dans le secret de mon sourire
Il crisse sous mes canines
Et étouffe ma langue

Je le cache sous mes paupières
Pour être seule à le voir
Pâle dans l’agitation du jour
              Mais brûlant chaque soir

              Je le crache sur la page
Quand je parcours les angles morts
Je le noie dans la blancheur
              Qui voudrait tout contenir

Je broie le noir
Le charbon de l’existence
La douleur qui crie sans bruit

Je la cache              je la crache
Dans la calligraphie
De mes sourires polis
              Dans mes paumes griffées
              Mes pupilles asséchées

              Poèmes              carbonisés

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J’ai retrouvé sans peine l’endroit de nos haltes, tant il demeure inscrit au plus profond de ma mémoire. Je crois que je pourrais fermer les yeux et, sans même tâtonner, m’y diriger tout droit.

Raphaël Aubert, Sous les arbres et au bord du fleuve & autres récits. 2021.

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