L’Écrire ! (Et si c’était) multiple.. ? – ou démultiplié, je veux dire.

La ponctuation d’un texte, c’est son souffle. Et chaque écrivaine a le sien. Son rapport au souffle. 

Il y a celles qui écrivent en sanglots, l’écrire est alors marqué par des soubresauts, tout veut se dire en même temps, les choses les plus sensées et vraies et d’autres, franches, irréfléchies, ne désirant pas être travaillées, juste dire et préciser, c’est l’écrire des essais, des répétitions, des hoquets, des sursauts au paroxysme desquels on reste suspendues, avant de plonger et, dans le creux, dans l’inspire, on ne comprend plus très bien, alors peut-être posent-elles quelques soupirs à leur suite… mais c’est pour des reprises-de-plus-belles, qui galopent alors par tout terrain de sens, à traduire avec, pour seule boussole, les repères d’une virgule. D’autres inscrivent l’assurance. Prennent leur temps. Elles sont assurées, chaque. mot. pèse. Une tonne de plumes. Au moins. Elles n’en disent pas trop. Il n’y a pas de mystère sur ce qu’elles disent. Elles parlent d’un vécu clair sur lequel une vision précise est portée. Quelle que soit l’histoire ce qui importe c’est de cacher dans un texte simple des vérités complexes. Des histoires profondes. Mais sans fioritures. J’ai aussi entendu celles qui marchent dans leurs litanies j’ai vu par leur gorge prendre son envol ce qui s’appelle force de vie – prana on dit en sanskrit. Par ces discoeurs et les révoltes qu’elles portent j’ai compris la douleur la guérison la détermination la cohésion oui, je les ai entendues et écoutées ces humaines-là. Leur rythme ne peux se targuer de perdre ni même de prendre un autre temps que celui de la lutte (!) parce qu’il faut dire il faut faire il faut être toute entière (!) à chaque instant (!) dédiée à ce qui rugit en soi tout oui tout au fond du ventre et qui est tellement tellement qu’on le sent prêt à être vomi et qui pourtant est bien trop essentiel au sens propre pour être tarit. On ne les comprend pas toujours bien, les mots de la lutte[1]. Ils n’ont pas pour but d’être compris par la logique. Plus que connus, ils cherchent à être entendus, reconnus des leurs. Ils ne sont pas faits pour le gueuloir de Flaubert, ce sont ceux des chœurs. La ponctuation ici est, (ironie !), dictée d’épuisement.  

 

Tous ces humaines, à la parole magnétique.
La ponctuation est leur souffle et leur empreinte..!
Et c’est aussi celui qu’elles dictent à la lecteurice.

 

Dans les carrés de la chose, chaque angle a sa place et démultiplie ses degrés en tâtonnements, en recherches, en imaginaires affirmés ou mystérieux. Depuis bientôt… cinq ans. Comme à chaque numéro que nous vous avons proposé, nous déposons dans ces pages l’espoir que nos souffles personnels et bien vivants, cette fois agencés par le graphisme d’Andrea Militello qui nous a fait l’immense cadeau d’une forme en cohérence avec le fond, mise en page ponctuée de retraits, d’espaces libres et compacts, vous transportent au cœur d’une thématique particulièrement littéraire. Mais c’est un numéro un peu spécial. Amanda et Fran· nous ont rejointes. Vânia s’écarte de l’aire immaculée qui a, presque trois ans durant, accueillis ses mots sages, sensibles. Ils nous manqueront, bien sûr. Certains points, moins qu’à une autre phrase, clôturent un chapitre. Ou un livre. Pour autant son espace restera prêt à être réouvert à tout moment. D’avance, nous remercions la librairie Payot de Neuchâtel de nous avoir si chaleureusement accueillit le 28 mars 2024 pour une soirée de vernissage autour de la thématique de la ponctuation. 

Nous écrivons pour vivre ;
pour nous – vous l’aurez compris – cela signifie inspirer et expirer, avoir le souffle coupé ou retenu intentionnellement,
ensemble.

 Tous et toutes à vous,
Hélène
& La Chose Carrée



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J’ai retrouvé sans peine l’endroit de nos haltes, tant il demeure inscrit au plus profond de ma mémoire. Je crois que je pourrais fermer les yeux et, sans même tâtonner, m’y diriger tout droit.

Raphaël Aubert, Sous les arbres et au bord du fleuve & autres récits. 2021.

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