La tête sur terre, les pieds dans les étoiles

“Elle n’a qu’à ouvrir l’espace de ses bras pour tout reconstruire” chantait déjà Cabrel. Il ne l’a pas cherchée sur Mars, que je sache.

Matylda Florez

L’espace ressasse a priori les contours du vide, de l’immensément grand. Les extrémités infinies qui semblent le délimiter, tant et pourtant qu’il n’en a de tangibles, éloignent encore un peu plus l’esprit de l’ébauche rassurante d’une forme concrète. Il se regarde tomber dans le vide sans en apercevoir le fond. Lui vient alors une idée simple, presque mathématique, rationnelle. Lorsque l’objet dépasse, déborde de par sa taille, pourquoi ne pas le découper ? Réduire l’espace vide pour en remplir un sas ou deux, d’abord les plus petits (les plus importants). Il faut bien commencer par un bout. Avant de gravir les montagnes, préférer les collines.

L’espace, tout comme l’esprit, souhaite se délier du temps. A priori, les deux font la paire. Les deux se chérissent comme la pierre angulaire qui fait tourner la tête des scientifiques. Il y a néanmoins dans les deux entités une controverse dénudée qui réside dans la théorie homologuée d’un espace-temps illusoire. Et si l’espace était propre à chacune, privilégié ? Et si mon temps était différent du tien ?

L’espace a priori surpasse tout l’univers. Croyance vieille comme Galilée à laquelle Stephen King donne crédit. A l’inverse, l’espace est aussi infiniment petit, invisible à l’œil nu, comme à l’œil lunetté, il est un négatif photo de l’émotion, visible sur une échographie du corps, tu quand il est comblé, harassant lorsqu’il vit le manque. L’espace n’a pas l’ambition du plus grand ni du plus vaste, mais bien l’allure et le mécanisme d’un organe vital. Besoin de satiété, d’être inondé, garni, envahi, renfloué, pansé… Ni l’espace, ni le temps, quelle que soit la manière dont il se compte, n’aime le vide et le sentiment de naufragé que celui-ci provoque.

L’espace est identité, désert de sables, intimité, prison. Avant tous les aprioris il est tien, sien, ou mien. Il est propre. Bien que parfois sali. Il est chaque souffle né d’une respiration qui gonfle un poumon, il est un regard qui sourit, il est un échange, une accolade, une pensée, un réconfort, les échos d’une parole, une place au sein d’une collectivité. L’espace est comme la partie inférieure d’un sablier qui semble s’épuiser grain après grain, mais l’esprit aux idées simples vous dira qu’une fois la tête retournée il sera à nouveau sur pied. Plus repus que jamais.

L’espace n’est pas d’abord autour de nous. Ni en dehors.

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J’ai retrouvé sans peine l’endroit de nos haltes, tant il demeure inscrit au plus profond de ma mémoire. Je crois que je pourrais fermer les yeux et, sans même tâtonner, m’y diriger tout droit.

Raphaël Aubert, Sous les arbres et au bord du fleuve & autres récits. 2021.

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