J’entends les médias leurs cris
ressasser les bombes et les malheurs
entre deux tares pandémiques
Je vois les vérités -nul doute- d’un monde puni
sans justice
la boîte ne sait que raconter l’horreur
et la détresse encore
et moi je ne fais que partager la leur
la compassion s’endort
avec la boîte
et sans efforts
ce que l’on fait?
balayer les images noires
colorer son monde enchanté
bien enfouir dans nos mémoires
les confrontations retranchées
je reste les bras croisés
m’apitoyer pleurer leur sort
prétendre agir
-oui ça nous touche ça s’ébruite mais ça finit par s’effriter-
et la détresse encore
véritablement réelle
arbitraire
et cet écran qui crée la distance
et m’en éloigne
tête sait coeur saigne yeux pleurent
et nos mains caressent doucement nos épaules
après l’heure c’est plus l’heure
pensons-nous
Je n’ai qu’à tourner la tête pour sécher
mes yeux faussement émus devant ce décor de théâtre dans lequel nous croyons ne pas avoir de rôle
la croix et la bannière ne sont plus que la croix
notre inadmissible inertie est sans émoi
les bras les jambes ballantes
toutes les bonnes volontés freinées dans leur course lente
par quoi au juste
serais-je serions-nous l’incarnation parfaite et précise d’un paradoxe?
c’est comme si nos yeux d’aveugles prétendues voulaient taire ce qui leur semble démesure
la tête sait la tête pour penser
mais les bras restent croisés
l’ironie d’avoir vu entendu retenu
-iels ont goûté senti-
et de n’avoir pas vaincu
le ton est donné depuis trop longtemps
pour dire ne pas savoir où ni comment
rompre les gammes diaboliques
si la croix s’effaçait
si les mains s’avançaient se tendaient s’unissaient
si les têtes s’éloignaient
un peu des préoccupations secondaires
qui sont chères et chanceuses
mais secondaires et un peu capricieuses
les notes s’arrangeraient peut-être
s’émanciperaient un peu de nos attaches
et de nos sièges confortables
et cette boîte qui crie la détresse
encore
la seule pression qu’elle me provoque c’est ce bouton rouge
commander à distance
pour faire taire la nuisance
shut c’est comme chut en français
et la pression descend
mais les chiffres montent
et le volume sonore pour nous s’abaisse
mais les cris ne s’assourdissent
et les peines s’alourdissent
les malheurs ne s’adoucissent
seules les vérités s’assombrissent
flouter un peu l’immondice
je pousse le vice
repousse l’hélice
comme si elle n’était que prémisse
on verra bien au prochain tour
pourtant les angles ne s’arrondissent
pour nous c’est trop, un coup de pression sur le bouton
ailleurs c’est trop, un coup de pression sur la détente
à distance on sait on dit
à proximité on vit on veut
le bouton rouge
je nous
sommes-nous un paradoxe
de bonne volonté et d’incompétence?
de savoir et d’ignorance?