« Tu commences un son, tu le reprends le jour d’après, plus rien ne va. Tout change, sauf peut-être un ou deux éléments. Il se transforme, évolue. Parfois il faut abandonner l’un ou l’autre des morceaux, sélectionner… Ils finissent par devenir comme des bébés, c’est parfois difficile de s’en séparer quand t’as taffé dessus des heures durant. »
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SmitM n’a que vingt-trois ans et consacre la plupart de son temps à la musique depuis quatre ans. Son prochain EP, où s’entrelacent les rythmes de l’afrobeat et les couleurs, plus franches, de la trap, vient à peine de sortir. Pendant quelques heures, le rappeur aux multiples casquettes m’a ouvert une fenêtre sur son univers, qui parcourt avec authenticité les traces d’artistes africains tels que WizKid, Oxlade ou Rema.
Alors que les teintes dorées d’un verre de Chardonnay dansent sur la table, il me confie l’histoire de ses premiers liens avec la musique, qui remontent à son enfance au Burkina Faso. « Chez moi il y a toujours eu de la musique. Mon père tient de sa mère cette passion ; elle était chanteuse et je me souviens qu’alors même que nous ne parlions pas la même langue, il suffisait que je l’entende chanter et il n’y avait plus besoin de comprendre quoi que ce soit pour être touché. »
« Le don c’est un mythe, du travail et de la curiosité, il n’y a que ça qui fonctionne. »
Smitm
Après ses premiers pas au Burkina Faso, il s’installe avec sa famille à Genèvee pour quelques années avant de retourner au pays. Par la suite, il ira en Autriche et en France, avant de se poser à Neuchâtel. Armé de sa seule volonté et entouré de professionnel-le-s l’ayant « laissé faire ses preuves », il s’est formé comme ingé’ son au fil de ses pérégrinations. Beatmaking, chant et rap font partie intégrante de son univers musical.
Pour SmitM, de son vrai nom Chris, la musique n’est pas plus une affaire de talent que les études : « Le don, c’est un mythe. Du travail et de la curiosité, il n’y a que ça qui fonctionne. Dans la musique, soit tu prends des risques et affirmes ta propre créativité, soit t’as rien. C’est comme tout dans la vie, et ça demande des sacrifices, à tous les niveaux. Socialement, financièrement, temporellement… »

Inspiré par ceux qu’il appelle les « Golden Boys », les nouvelles étoiles montantes de la scène africaine, SmitM désire se produire à nouveau sur le continent, notamment à l’intérieur des frontières du Nigéria. Le pays peut en effet se targuer d’être le siège du label MAVIN RECORDS, fondé en 2012 par Don Jazzy. N°1 du pays, il a signé le nec plus ultra de la jeunesse nigériane : Tiwa Savage, Di’Ja ou encore Rema, nouveau chouchou de l’afrobeat dont le succès dépasse largement les frontières du Nigéria.
L’amour et l’Afrique sont au centre de Yours Sincerely, ce projet de six titres sur lequel SmitM a planché tout l’été, de jour comme de nuit. « Je n’ai pas la prétention d’un message à faire passer… Je suis encore trop jeune, plus tard peut-être. Et puis je n’écris pas vraiment de textes. Les mots viennent spontanément lorsque je chante, j’ai un rapport très physique à la musique. Même si j’ai des idées avant d’enregistrer, mes chansons restent simples parce que je désire avant tout toucher par des histoires banales, et parler d’expériences qui naviguent entre la réalité et la fiction. »
De l’amour, de la musique… ces deux ingrédients suffisent-ils réellement à eux seuls transformer le cœur? À l’écoute des morceaux, sentant mon corps étourdit par des rythmes enthousiasmant et mon esprit percé par ces simples paroles d’amours brisés, refusés, impossibles, j’en deviens tout à fait certaine. Et puis, l’amour, c’est aussi la famille : avec le morceau WA audio qu’il dédie à son père, SmitM atteint la profondeur en trouvant l’équilibre entre son instrumentale dansante et le texte intime qu’il vient y apposer.
« La plupart du temps, je travaille dans ma chambre. Tu vois ici [ndlr: près de la fenêtre] j’ai un genre de matelas pour insonoriser au maximum et ça fonctionne plutôt bien! J’arrive à enregistrer et à faire le mixage et les instruments ici. En fait il y a des périodes auxquelles je serai plus souvent au studio, mais cet endroit c’est vraiment mon cocon, pour mes projets j’aime beaucoup travailler ici. »
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