L’avenir de l’homme

R
egarde


L’homme est beau
Regarde l’homme qui est beau et qui sait qu’il est beau

Il a la barbe il est glabre ses cheveux sont longs ses cheveux sont courts il est musclé son ventre est tendre il rit il pleure il est grand il est petit il est taiseux il est bavard ses doigts sont longs et fins ses doigts sont courts et gourds il rit il observe il fronce les sourcils il s’essouffle il ne lâche rien il veut des enfants il veut la liberté il aime les femmes il aime les hommes il aime les deux il a des secrets il porte son âme sur son visage il a des regrets il a des attentes il a des espoirs il a des responsabilités il porte sur son dos il porte sur ses épaules il porte sur son âme il a une vieille douleur au genou au bas des reins à la tête il se sent jeune et invincible il se sent vieillir il a peur d’avoir peur il n’a peur de rien il a plein de potes il a quelques amis il a pris la forme de sa solitude il veut aider il veut réparer il veut résoudre il veut qu’on lui foute la paix il est dur il est mou il est entre deux il est revanchard il est magnanime il est fort il est fragile il est changeant comme le ciel c’est un roc l’étoile du nord le feu du sud il a un accent qui chante il a un accent qui tranche il a un accent qui s’ignore c’est un étranger c’est un gars d’ici il n’a besoin de personne il a besoin d’attention il a besoin d’y croire il a les yeux de toutes les couleurs il travaille il étudie il chôme il prend le temps il aime les jeux vidéo il aime la musique classique il aime le sport il préfère profiter il dort il jeûne il déjeune il adore déguster il aime la mer il aime la montagne il s’aime

Surtout
Il s’aime

L’homme se penche
Il se met à hauteur de fleur et d’enfant
Bien sûr qu’il est plus grand que moi
Mais il n’a pas besoin de l’être
Pour que je le voie

Regarde
L’homme trace un sillon sur l’horizon
Le sommet de sa tête atteint la crête des montagnes
Sa main est prête à prendre la mienne
Il sait qu’il mérite d’être aimé 

L’homme s’est déshérité
Il a renié la peur la possession les coups
Qu’on lui avait laissés en partage
Il a craché sur la tombe qu’on avait creusée pour lui

Plus besoin de forcer
     De s’imposer
Pour être un homme

A la place
Il trace un chemin ouvert
Il reprend son souffle
Il fait de la virilité
Plus uniquement le pouvoir de sauver
Mais encore plus puissant
     La force d’aimer

L’homme se pense
Il se met à hauteur de ses sentiments
Bien sûr qu’il se trompe parfois
Mais il n’a pas besoin de la violence
Pour définir son être

Regarde
L’homme n’a plus peur de moi
Parfois dans le miroir de mes yeux
Il y a le désir fort comme l’asphyxie
Parfois dans le miroir de mon sourire
Il y a l’amitié la complicité l’amour
Parfois il y a la surprise et l’incompréhension
L’étendue infinie de la ressemblance et de la différence

Mais l’homme n’existe pas par moi
Il sait qu’il a sa place ici
Il n’a pas besoin de la prendre de la voler
Il rentre sans pénétrer
Dans l’intimité du monde

Regarde
Regarde l’homme qui s’aime
Et qui marche près de moi

Le monde est sa prunelle

Je n’ai plus peur de lui

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J’ai retrouvé sans peine l’endroit de nos haltes, tant il demeure inscrit au plus profond de ma mémoire. Je crois que je pourrais fermer les yeux et, sans même tâtonner, m’y diriger tout droit.

Raphaël Aubert, Sous les arbres et au bord du fleuve & autres récits. 2021.

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