– Pourquoi tu ne tires par cette satanée flèche ?
– Parce qu’elle n’atteindra jamais son but. Je n’ai pas envie de la perdre.
– Mais de quoi me parles-tu ? Bien sûr que si !
– Non, c’est impossible.
– J’ai parfois de la peine à te suivre.
– Marche plus vite alors.
– Non mais sur cette histoire de flèche.
– C’est un principe physique. La flèche ne peut pas traverser la pièce.
– Mais de quelle pièce me parles-tu ? Nous sommes en plein air.
– Ça n’a pas d’importance où nous sommes. Elle ne peut pas aller plus loin que la moitié de la moitié de la distance qui nous sépare de cette cible.
– Mais que me chantes-tu là ?
– J’ai un air que je pourrais fredonner, le voudrais-tu ?
– Ce que je veux, c’est que tu tires cette flèche !
– Ça, ce n’est pas possible.
– La cible est juste devant nous, tire !
– La cible pourrait être derrière nous, je ne pourrais pas tirer.
– Tu es incroyable !
– Et pourtant j’existe.
– Mais ! Tu ne saisis pas ta stupidité ?
– Je crois qu’il est impossible d’attraper cette maladie.
– Tu es désespérant, et probablement fou.
– Bon, je peux essayer au moins de tirer en direction de la cible, même si je sais que la flèche n’arrivera jamais à l’atteindre.
– Ah voilà ! Tu raisonnes enfin.
– Je n’ai pas fait d’écho pourtant.
– Non mais…
– La flèche traversera donc la moitié de la moitié de la moitié avant de probablement continuer son chemin indéfiniment ainsi.
– Elle n’arrivera donc jamais à destination ?
– Vois-tu, le temps qu’elle parte, tout aura bougé à chaque instant et la flèche, pour atteindre la cible, devra au moins arriver à la moitié, et avant cela à la moitié de la moitié, et avant cela encore à la moitié de la moitié de la moitié de la distance, et ainsi de suite
– C’est impossible. La flèche devra bien un jour atteindre la cible, non ?
– Non, pourquoi cela ? Elle ne le pourra jamais.
– Mais la cible ne bouge pas pourtant, elle est là, fixement à nous regarder.
– Tu veux que je tire pour te montrer ?
– Oui
– Mais veux-tu perdre cette flèche ?
– Prenons ce risque.
– D’accord.
Il tira la flèche en direction de la cible. Elle s’en alla d’abord bien droit jusqu’à ce que, sans savoir s’il s’agit du vent ou d’un phénomène mystérieux, la flèche prit une direction improbable, contourna la première moitié de la moitié de la moitié, se déporta légèrement vers le centre avant de finalement s’arrêter à la verticale pile au milieu du milieu. Un coup de bol.